Désolé pour la chronologie des événements mais je ne pouvais pas mettre en ligne ce qui suit en raison des communications restreintes en PNG...
[le 4/9, depuis Kimbe, New Britain Island, je tape mes notes prises sur papier lors de mon périple sur le Sepik]
22/8: arrivée à Wewak depuis Port-Moresby.
Joseph, avec qui j'avais pris contact auparavant, m'avait trouvé une chambre dans une Guesthouse Catholique (CBC Mission, 88 Kinas, très cher car 100 K font 30 €; sans parler du fait que des rats ont bouffé mon sac dans la nuit). Le rendez-vous est pris le 23 au matin pour discuter avec lui de l'organisation du voyage.
Ils ne disent pas si on peut amener quelqu'un du même sexe avec qui on est marié...
Tout coûte très cher en PNG: cela demande beaucoup de Kinas et encore plus d'énergie pour organiser quelque chose. Joseph me dira qu'il sera compliqué de partir avant le 26/8 pour Pagwi car il n'y a pas de transport en commun (les fameux PMV qui sont en faits tous les moyens de locomotion possibles, de la barque au camion). L'idée de passer 3 jours à Wewak ne m'enchante pas trop. Entre temps, nous rencontrerons Emily, une de ses proches, qui nous trouve le moyen de nous rendre à Pagwi dès le lendemain.
Arrivée à Muschu Island
Pour patienter, nous partons passer l'après-midi et la nuit sur la belle ile de Muschu, juste en face de Wewak.
Départ pour Muschu Island depuis Wewak
24/8:
Après avoir fait les provisions à Wewak nécessaires (pas moyen d'acheter de la nourriture après), nous voilà partis avec d'autres personnes dans un 4x4 pour rejoindre le village de Pagwi, sur les rives du Sepik.
À la base, je ne voulais faire que le tronçon Pagwi - Angoram mais Joseph (alias Jo Koné) me dit qu'il faudra se rendre à Ambunti, plus en amont et là où il vit, pour trouver un canoë à bon prix. J'ai compris par la suite qu'il voulait juste passer du temps dans son village avant de partir...
Depuis Pagwi, il faudra 4 bonnes heures de barques à moteur (motor canoe) avec des chasseurs de crocodile qui remontent la rivière et qui nous déposerons à Ambunti, le tout ponctué par les ravitaillement "SP" (bière locale), les essais pour attraper des crocos et les arrêts pour saluer les amis.
Les chasseurs -ou pêcheurs, je ne sais pas trop- trouvent le moyen d'attraper un petit crocodile vivant en cours de route. Ils veulent me donner le pauvre animal, j'ai gentiment refusé en me voyant mal trimbaler la bête en laisse pendant des mois. Ils l'ont pour finir donné à Joseph, j'essaierai de le convaincre de le remettre en liberté.
Nous arrivons tard à Ambunti, sa femme fait la gueule car voilà plusieurs jours qu'il est parti et revient complètement bourré. Ambiance d'autant plus joyeuse le soir autour du feu avec ses 9 enfants. Un des fils, assis à côté de moi grelotant, sûrement à cause de la malaria; s'est fait attaquer par des gens du village voisin. Tous étaient ivres morts. Son meilleur ami qui était avec lui s'est fait découper la tête à quelques mètres de la maison.
Le décor est planté:
Les papous ont semble t-il un penchant pour l'alcool et de surcroît, ont l'alcool mauvais. Les habitants du Sepik sont très attachés à leur terre et enfin, non, ce n'est pas sans danger de descendre cette rivière seul pendant près d'une semaine. Après de longs moments de réflexion, j'ai demandé à Joseph s'il était disponible pour faire une partie du voyage avec moi. Au préalable, il m'a dit qu'un touriste européen s'est fait tué avec son guide il y a quelques années et la dernière personne à avoir fait cette portion à la rame, cela remontait à plus de 10 ans.
Le fait de partir d'Ambunti rajoute une bonne journée de rame. Le trajet entre Pagwi et Ambunti m'a permis de me faire une idée du Sepik. La rivière est très large (100-150 m de large), calme, les rives sont belles et propres. Les villages ont beaucoup de cachet et sont parsemés le long de la rivière. Pagwi est le seul point d'accès terrestre à ce niveau, le prochain est plus à l'est, Angoram. C'est là que je souhaite terminer le voyage. En revanche, le courant que j'imaginais plus fort (il pousse dans la direction où je souhaite aller), n'est que modéré. Il faudra pagayer plus que prévu. La rivière en elle même n'est pas dangereuse. Les crocodiles qui sont partout n'attaquent pas l'homme.
25/8:
J'ai passé la journée à me promener et à discuter avec les habitants d'Ambunti qui y allaient avec leur "Thank you for coming to the Sepik River". C'est le jour de mon anniversaire, je me suis donc offert un canoë tout en bois creusé à même un tronc, un dugout (mot Pigin qui vient de dig out).
Etape 1: Choix du dugout et négociations, avec Joseph (à gauche). J'ai pour finir acheté celui de droite pour 100 Kinas (la seule chose qui ne soit pas cher en PNG)
Étape 2: choix d'un nom, facile.
Il a fallut aller au village voisin, Apan, pour trouver un dugout pas trop cher. Un seul canoë demande deux à trois semaines de travail donc c'est pas cher par rapport à la quantité de travail. Le soir, repas sur les bords du Sepik. J'ai le droit à un chant de "happy birthday" digne de celui de Marilyn Monroe. On écoute sur mon IPod du Bob Marley, tout le monde est content.
26/8:
J'ai le bateau, il ne manque plus que les rames. Joseph n'est pas décidé à lever le camp aujourd'hui car il le dit qu'il est difficile de trouver deux rames dans son village alors que tout le monde ici travaille le bois. Je le secoue un peu et il accepte finalement de me vendre celle de sa femme pour un prix exorbitant (80 K, presque le prix du dugout). Le départ est repoussé au 27/8 au matin.
L'initiation: 🐊
Parmis toutes les croyances de la région du Sepik, celle du crocodile est la plus importante du Middle Sepik. Le crocodile est vénéré mais cela ne les empêche pas de le chasser à outrance pour la chaire ou la peau. Chaque village a son enclos à crocodiles où les reptiles attendent de grandir avant d'être vendus à bon prix à des australiens ou autres locaux fortunés.
Spirit Houses de Palembei , ci-dessus et ci-dessous
Ci-dessous, Spirit House de Kanganaman, le village en face de Palembei.
Les Spirit Houses que l'on peut observer dans certains villages sont des lieux de cultes réservés aux hommes et à ceux qui souhaitent se faire initier. Ces lieux, généralement assez photogéniques et bien entretenus ont un style différent d'un village à l'autre mais généralement ces maisons ont un étage ont sont entreposés des sculptures et des artefacts à vendre ou qui sont utilisés pour les cérémonies. Au rez-de-chaussée, à l'ombre, est réservé à la sieste, à ceux qui cherche un endroit à l'ombre pour sculpter ou mâcher du bétel (le Siri Pinang Indonésien s'appelle ici le Buai). Un ou plusieurs feu de bois est toujours allumé pour chauffer de l'eau, sécher les feuilles de tabac ou pour rallumer leurs fines cigarettes qu'ils roulent dans du papier journal (j'ai appris que le quotidien "National" est le meilleur pour rouler, l'autre serait de mauvaise qualité...).
Revenons à l'initiation... Les jeunes, après leur majorité, peuvent choisir de se faire initier. L'opération consiste à se faire scarifier le corps (dos, bras et torse selon les villages) pour avoir les marques du crocodile et pour se vider de son sang impur. L'opération se déroule dans les Spirit Houses, lors des opérations de scarifications, aucune autre personne n'est autorisée à pénétrer à l'intérieur. Lors de leur arrivée, ceux qui viennent se faire initier sont accueillis par celui qui se chargera des scarifications. Ce dernier, marcherons à reculons, le dos face au lieu où se déroulera l'opération et reçoit des coups de bambous, signe que les futurs initiés seront sous sa protection. L'initié est placé dans un dugout semblable au miens et est maintenu par une autre personne. La cérémonie peu commencer...
Ensuite, les nouveaux sont plongés dans la rivière, les plaies encore toutes fraîches, puis vient le temps de la guérison. Ils ne quittent que très peu les Spirit Houses, en restant près du feu pour "sécher leurs plaies", à dormir et à manger du Sego ou Saksak (base de l'alimentation dans le Sepik, farine issu du cœur d'un palmier). Durant tout ce temps, ils ne peuvent parler que si on leur adresse la parole. Cela peut durer jusqu'à un mois, autrefois, un ancien me racontait qu'il fallait attendre qu'une jeune pousse de bananier donne des fruits et que l'initié puisse les manger avant de pouvoir sortir. Soit plusieurs mois.
À chaque fois que j'ai voulu prendre des photos de leurs dos et des cicatrices, on m'a demandé de payer; je n'ai donc aucune photo.
Extraction du Sego
Bonne nouvelle: ce matin, le crocodile que l'on voulait me refiler au début et qui avait été mis dans une sorte d'enclos sous la maison s'est échappé. Par contre, mauvaise nouvelle, la famille de la femme à Joseph est venue vendre et dépecer un crocodile fraîchement attrapé. On aura le droit à notre pièce au menu du midi. Un animal exotique de plus goûté ces derniers temps après le rat cuisiné par Mamy à Jayapura... Elle est de Manado, là bas, ils n'ont pas que la réputation d'avoir les plus belles filles d'Indonésie mais aussi celle de manger tout ce qui a quatre pattes.
27/8:
Départ d'Ambunti vers 10h et arrivée à Japandai vers 14h30. La veille, la femme de Joseph -qui m'a tiré une gueule d'enterrement tout le long de mon séjour chez eux- a passé une bonne heure à lui crier dessus. J'ai compris grâce aux nombreux "white man" (c'est comme ça que l'on désigne les touristes ici) et aux sommes en Kinas qu'elle n'était pas contente du prix que Joseph m'avait fait. Ambiance mi-figue mi-raisin donc à Ambunti. Content de partir.
Pour finir, Joseph m'accompagne avec son plus jeune fils (peu bavard). Nous n'avons acheté que deux rames donc il passe son temps à maugréer dans la pirogue. Je ne sais toujours pas pourquoi il l'a emmené.
Le trajet est sympathique. Soleil de plomb. Léger courant en notre faveur. Nous arrivons en milieu d'après midi au petit village de Japandai où nous serons hébergés à l'école qui est aussi dirigée par Emily (la même qui nous a aidé à rejoindre Pagwi). Soirée à discuter avec les étudiants et bain dans les eaux marrons du Sepik. Joli coucher de soleil.
28/8:
Départ de Japandai vers 8h30 pour Palembei. Nous avions prévu 4h, on en a mis plus de 8. Belle journée tout de même. Cette journée là, des millions de larves avaient éclos pour se transformer en une sorte de papillons jaunes (mayflies) qui volent par nuée au dessus du Sepik. Le spectacle éphémère ne durera qu'une heure avant que tous ces insectes ne meurent et tapissent la rivière. Festin pour les poissons, les oiseaux et les habitants du Sepik.
Journée exténuante: dos en mille morceaux, plus de bras, lunette de soleil perdues dans l'eau... Nous dormirions à la Guesthouse de Jacob. Une bière chaude retrouvée providentiellement dans les provisions et au lit.
29/8:
Matinée passée à visiter les villages de Kanganaman et Palembei. Ces endroits sont proches de là où nous avons dormi mais il a fallu payer quelqu'un pour nous emmener en canoë à moteur car le courant aurait été contre nous au retour avec notre barque. C'est aussi un prétexte pour remplir le réservoir du pote à Joseph, jusque là, c'est de bonne guerre. Les Spirit Houses des deux villages sont belles, une à Palembei a été complètement détruite par les japonais pendant la 2ème guerre. On se demande ce qu'ils sont venus faire jusque là!
Piliers de la Spirit Houses détruite pendant la guerre.
Les entrées sont payantes, 10 K pour chacune des Spirit Houses, rajoutez des Kinas si vous voulez qu'ils jouent des instruments... À l'étage, toutes sortes de sculptures, masques et autres objets à vendre.
Petite précision: les lieux de cultes sont interdits aux femmes mais pas aux femmes touristes. Cela serait dommage de passer à côté d'une vente!
Départ pour Kaminabit vers 14h30 et arrivée pour le coucher du soleil.
30/8:
(Très) long trajet entre Kaminabit et Tembanum (plus de 10h à ramer toujours en plein soleil). La situation a évolué. Je m'explique:
Deux jours auparavant, dans le village de Palembei, Joseph me fait part de son inquiétude en raison de la situation aux alentours d'Angoram. Des élections vont avoir lieu et il craint pour notre sécurité et celle de son fils. Il me dit qu'il faudra raccourcir le trajet de 1 ou 2 jours, vendre le canoë et faire la dernière portion en PMV (canoë à moteur). Sur le coup, je ne cherche pas à comprendre et je lui dis qu'il n'y a aucun souci. D'ailleurs, je n'avais aucune raison de ne pas lui faire confiance, il avait correcte et honnête jusqu'à là.
Je fais un copier-coller pour raconter la fin du voyage. C'est un bout d'un mail que j'avais envoyé à une copine (bisous au passage Gé):
[...Sur le coup, je lui dis qu'il n'y a pas de problème et qu'il est hors de question de prendre des risques inutiles. En plus, j'ai déjà vu de jolies choses, la rivière est magnifique même si le soleil de plomb est assez difficile à supporter (sans parler des moustiques).
Il me propose donc de faire la dernière partie en canoë à moteur comme ceux qui servent de temps à autres de transport publics d'un point à l'autre de la rivière et de vendre ma barque. Nous dormons à ce moment là chez un ami à lui qui semble très amical, sa femme nous accueille avec du crocodile et des insectes grillés, nous propose de nous héberger gratuitement et de nous aider à rejoindre le dernier village (Angoram, d'où nous pourrons partir, quitter la rivière et rejoindre une route et la ville principale). Il nous propose de nous mettre à disposition son bateau et de payer juste le carburant. Selon lui, cela nous coûtera environ 200 kinas (60€). J'hésite car je n'ai plus trop de liquide sur moi, je n'avais pas prévu ces dépenses supplémentaires. Il y a aussi la solution d'attendre une journée de plus et de partager les frais avec notre hôte qui doit faire le même trajet pour aller livrer à Angoram des sculptures. Je finis par accepter de partir le lendemain matin et de payer ces 200 kinas.
Entre temps, Joseph, une fois de plus, a passé la soirée à discuter à son vieil ami. Le Pigin est assez simple à comprendre. En tendant l'oreille, je comprends qu'il avait en fait décidé d'écourter le voyage car il en avait marre de ramer. Son fils passait ses journées à se plaindre aussi à l'arrière de la barque. Il a rajouté que de toutes façons, il savait que j'avais des sous et que je pouvais payer une barque pour rejoindre Angoram. Les tensions politiques etaient donc une excuse bidon, même si la rivière en elle même est un peu craignos. Sur le coup, j'hésite à lui dire que je comprends depuis le début tout ce qu'il raconte sur moi; je décide d'attendre d'être en tête à tête avec lui pour lui dire pour ne pas rendre les choses plus compliquées. Le matin, juste avant le départ, Joseph me tend un papier gribouillé de pleins de calculs et me dit que le prix, par je ne sais quelle magie, n'est plus de 200 K mais 471 K. Je lui dit que c'est beaucoup trop cher et que, si cela ne dérange pas la personne qui nous héberge, je préfère attendre le lendemain et partager les prix du carburant comme il nous l'avait proposé la veille. La situation se complique et devient pesante, j'essaie de garder le sourire malgré tout mais je ne suis pas le bienvenu. La famille qui m'heberge se met à tirer la gueule et semble irritée par ma décision. Comme cela à été le cas plusieurs fois, les papous, lorsqu'il s'agit d'argent, change rapidement de comportement.
Je suis donc décidé à rester une journée de plus dans cette famille, malgré l'ambiance. En une heure, Joseph reviendra me voir deux fois avec le même papier gribouillé avec des prix différents: 400 K puis 356 K... Malgré le fait que je lui ai dit que je préférais attendre une journée si cela ne dérangeait pas son ami. Devant son insistance, je comprends qu'il veut à la fois rentrer et que son ami se fasse une belle somme d'argent sur mon dos, je lâche prise et je lui dis on y va.
Je refourgue ma barque.
En route, la barque a moteur fait deux arrêts pour ravitailler en fuel, on me demande de payer. Je paye. Pas le choix. Le prix à l'arrivée est donc supérieur à ce que l'on m'avait énoncé. Normal. ...]
Donc voilà, ce trip aura été un casse tête à mener à bien. Je ne referais pas la même chose tout de suite, c'est sûr, mais je suis content de l'avoir fait.
Location:Sepik River // PNG
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire